dimanche 19 décembre 2010

A propos de l' interview de Mr le cardinal Barbarin par Le Progrès du 19 Déc 2010

Barbarinades

Mr le cardinal : " Le mot laïcité est étrange et la laïcité est utilisée pour dire tout et son contraire "
Autrement dit, la laïcité c'est du n'importe quoi !
Mr le cardinal : " La laïcisation ne respecte pas la foi des croyants "
La laïcisation s'est faite en 1905 et depuis près d'un siècle on ne laïcise plus rien.
Pour argumenter, Mr le cardinal cite un article du Progrès daté de 1906 : " Maintenant que la loi est votée d'ici à 10 ans nous en aurons fini avec les catholiques "
Mr le cardinal situe l'article dans le temps présent pour dire abusivement : " veut-on la mort des catholiques ? "
Quel était donc le contexte à cette époque ?
La campagne pour le vote de la loi de séparation des églises et de l'Etat avait été une rude empoignade et en 1906, l' Eglise refusait ouvertement de se soumettre à la loi pourtant votée l'année précédente et cet article exprimait plutôt la crainte des laïcs de se voir voler la victoire. Ce n'était pas un appel au meurtre et Mr le cardinal le sait bien car 105 ans durant, la laïcité n'a tué personne.
D' autre part, Le Progrès ne s'exprimait pas en tant que représentant responsable de la laïcité puisqu'il n'y en avait pas et il n'y en a toujours pas, la laïcité n'étant pas une Institution hiérarchisée comme l'est l'Eglise catholique par exemple. Non, on ne veut toujours pas la mort des catholiques mais simplement que l'Eglise respecte les lois y compris la loi qui évite de mêler religions et affaires publiques.
Mr le cardinal : " Dire que les catholiques font du bien ce n'est pas contraire à la laïcité ".
Tout le monde est d'accord là-dessus et à première vue, affirmer une telle évidence c'est dire une banalité mais dite par un cardinal, n'est-ce pas plutôt une manière subtile de semer le doute sur la crédibilité de la laïcité ? Pour lever toute ambiguité : quand les catholiques font du bien on le dit. Si on refusait de le dire au nom de la laïcité, ce serait une marque d'intolérance. Mais, Mr le cardinal, en s'exprimant ainsi, prêche pour sa seule chapelle car les catholiques ne sont pas les seuls à faire du bien. Quand les protestants, musulmans ou juifs font du bien on le dit aussi et il faudrait même étendre l'affirmation en question à toutes les Associa-
tions qui, autant que le Secours catholique oeuvrent par solidarité au soutien des plus défavorisés, des plus démunis, des sans-abris, comme l'Armée du Salut, le Secours Populaire, les Oeuvres laïques, les Restos du Coeur, ou celles qui luttent contre les maladies, contre la faim en France et dans le monde, contre l'analphabétisme et l'illétrisme, contre les ennemis de la Liberté.. Quand religions et Associations font du bien, le dire n'est jamais contraire à la laïcité, éthique de vie dont l'humanisme, la solidarité et la tolérance sont les vertus premières.
Maintenant, Mr le cardinal veut-il suggérer que le bien dont il parle ne se limite pas au bien matériel mais qu'il comprend aussi le bien spirituel ? Ce bien spirituel ne pouvant être dispensé que par les seuls détenteurs et interprètes de la parole divine - les dignitaires de l"Eglise - et n'étant somme toute qu'un retour bénéfique supposé d'une pratique religieuse, il ne peut donc être reçu et ressenti que par les seuls fidèles croyant à la parole transmise. Les autres, incroyants, davantage guidés par la raison étrangère à la foi n'y sont pas sensibles et n'y ont donc pas accès. Ce qui limite considérablement les effets du bien spirituel.
Dans ce même interview, Mr le cardinal regrettant le manque d'engagement des chrétiens, invite les catholiques à s'engager avec leurs valeurs dans la politique, la finance et l'éducation. Espérons que les autres religions n'en fasse pas autant car, connaissant le caractère hégémonique des trois religions monothéistes, on peut douter de la paix religieuse et de la paix du monde.
C'est apparemment surprenant que Mr le cardinal recommande ces trois domaines d'activité qui ne sont justement pas ceux où l'aide humanitaire est la plus urgente. Mais Mr le cardinal n'est déjà plus dans l'humanitaire : il a choisi ces trois domaines-là, parce que ce sont trois sésames qui donnent accès au pouvoir.
Mais pourquoi cet élan soudain de prosélytisme ? Est-ce l'état d'urgence ? Quelle est donc la situation actuelle de l'Eglise ?
Dans ses débuts l'Eglise était pauvre mais riche au plan moral, puis les choses se sont inversées : elle est devenue riche et puissante, en même temps que ses activités trop souvent criminelles la conduisait à la faillite sur le plan moral. Enfin, les révolutionnaires ont mis fin à ses exactions et à son omnipotence spirituelle. Depuis 1905, l'application de la loi l'empêche de reconquérir ses privilèges d'antan.

Aujourd'hui, l'Eglise a effectivement de gros problèmes...

- Au plan matériel : moins de prêtres, moins de pratiquants, moins d'argent malgré les appels fréquents à la générosité publique - l'Etat ne subventionnant pas les cultes, sauf subsides obtenus souvent au plan local de manière plus ou moins illégale.
- Au plan du rayonnement spirituel, elle doit faire face à l'islamisation dans le monde.
- Au plan moral, l'Eglise se trouve confrontée à de multiples problèmes : I.V.G., culture des embryons humains à des fins thérapeutiques, mariage des prêtres, dons d'organes, adoptions monoparentales, usage des préservatifs, euthanasie, etc... Sur tous ces problèmes-là, la position du Vatican est quasiment en déphasage par rapport aux exigences de notre société, mais le pire des problèmes c'est la pédophilie des prêtres. En effet, il ne se passe pas de semaines sans que de nouveaux cas soient dévoilés par les médias - le pape Benoît XVI lui-même en a dénombré des milliers.
Porter atteinte à l'intégrité physique et psychique d'enfants en incapacité de se défendre est un crime odieux et la multiplicité des cas, même reconnus par le Vatican n'est pas une raison pour considérer ces comportements déviants comme de banales affaires courantes. Les auteurs doivent être jugés, punis, pas par la seule justice vaticane mais par une Cour Internationale de Justice puisque ces exactions sont aussi commises grâce au laxisme de certains Etats.
On le voit, il y a de nombreuses et profondes lacunes dans l'Eglise d'aujourd'hui et ce ne sont pas les catholiques qui, en s'engageant davantage suffiront à y remédier. C'est à la hiérarchie d'assumer ses responsabilités en apportant ses réponses sans se défausser sur la base.
Devant tous ses problèmes matériels, idéologiques et moraux, l'Eglise devrait d'abord se débarbouiller avant de prétendre moraliser la société, mais Mr le cardinal a une autre stratégie : la présence au sommet de l'Etat d'un Président de la République anti-laïque donne à l'Eglise l'occasion d'entreprendre une nouvelle étape dans la reconquête de sa puissance d'antan. Alors Mr le cardinal mobilise ses troupes...

- En politique. Pour faire quoi ? En plus du soutien individuel de nombreux députés, par l'entremise de Mme Boutin, on crée un parti chrétien en tant que tel pour préparer le terrain en vue de perpétrer l'abolition de la loi de 1905 et donc espérer en finir avec la laïcité. Histoire de prendre part au prosélytisme, Mr le cardinal sonne lui-même la charge par son interview polémique et un tantinet people " se payant " son portrait 20 x 20 à la une du Progrès, plus un autre en page 2. Constatons au passage - la laïcité étant passée par là - que Le Progrès se montre aujourd'hui eu égard à la foi des croyants beaucoup plus accommodant et docile qu'il ne le fut en 1906.

- Dans l'éducation. Pour faire quoi ? Depuis 1958, grâce à la complicité de divers élus, l'Eglise a petit à petit transformé " son école libre " en citadelle idéologique - une de ses plus gratifiantes activités. Aujourd'hui, Mr le cardinal compte sur un nouvel engagement prosélyte des catholiques pour convaincre de substituer à l'école publique laïque et gratuite une école publique catholique et lucrative. Malgré le soutien fervent du Président de la République, ces militants catholiques se heurteront à l'opposition déterminée des laïcs attachés à l'école laïque, celle qui forme les citoyens libres de demain.

- Dans la finance. Pour faire quoi ? Voici quelques pistes à étudier :
_ Veiller sur l'important patrimoine mobilier et immobilier de l'Eglise. Pourquoi pas ? Mais il me semble que l'on est déjà bien pourvu de ce côté-là !
_ Eradiquer les spéculations sur les céréales et autres denrées de première nécéssité, le pétrole et autres matières premières...
_ Supprimer les paradis fiscaux, les parachutes dorés, le bouclier fiscal, augmenter l'impôt sur la fortune...
Si Mr le cardinal est d'accord sur ce programme le dire ce n'est pas contraire à la doctrine de l'Eglise.

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